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Entre les lignes

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              Roman                          Récit autobiographique                    Nouvelles & poèmes

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LE MONDE RÉEL (les moyens du bord)

 

 

 

 

            J’étais en train de regarder les choses en face quand soudain le téléphone se met à sonner. Je m’essuie les doigts et je décroche.

- Je dois te parler !

- Si vous voulez que j’enquête sur les causes de la mort d’Elvis c’est 150 dollars  par jour + les frais et une avance.

- Tu ne te sens pas mal de m’avoir abandonnée au parc?

(Silence gêné)

- Chérie, je sais que tu as eu une rude journée, mais tu veux bien arrêter de dire des conneries s’il te plaît?

- C’est trop facile de s’enfuir pour pas affronter ses problèmes. Un minimum de tact, ça t’arracherait la gueule?

- Calme-toi d’accord?

- Je sais pas ce qu’il y a de pire entre ne pas savoir ce qu’on fait et le savoir et ne pas s’en empêcher.

- … ?

- Vivre avec un schizophrène a un effet négatif sur moi. C’est dans ces moments-là que je me dis que ça doit être la volonté de Dieu si t’es pas capable de vivre dans le monde réel. Alors autant que je me boive une petite limonade.

(Bruit de capsule)

- Je ne contrôle pas tout; je suis à la merci des éléments.

- Evidemment : accro au sexe, défoncé, alcoolique, joyeux dépressif, mais jamais personne qui admet être une ordure. Ecoute, j’ai réfléchi. Comme dit le flic des Dents de la Mer, il nous faut un plus gros bateau.

- A propos, elle est où ta mère?

- Elle te fait dire d’aller te faire foutre.

- Vraiment ?

- Regarde les choses en face, t’es un connard.

- Si je me suis cogné ces putains de vacances, c’est parce que je pensais que ça pouvait arranger les choses entre ta mère et moi.

- Ouais ben c’était carrément con de ta part.

- Elle pourrait au moins faire un effort. Moi je fais des efforts.

- Pas la peine: elle te hait définitivement.

- Moi aussi je la déteste avec son gros cul et son air supérieur, mais j’ai la décence de ne pas le lui rappeler à la moindre occasion.

- Elle ne t’aime pas et par-dessus tout elle ne te pardonne pas de gâcher ma vie.

 

            Ma belle-mère est une droguée de merde qui n’a pas trois euros en poche. Elle niche dans mon immeuble et chaque fois que je sors je la croise dans l’ascenseur et elle me tape du pognon pour ses conneries de jeux à gratter.

 

 - C’est tout ce que t’as à dire?

 (Reniflement)

- … !

- Très bien, salut connard!

(Téléphone qu’on raccroche violemment)

 

            Il y a plein de gens dans le monde -trop de gens- et chaque personne que tu croises se prend pour la créature parfaite de Dieu et essaie de t’utiliser, de t’avoir ou de se servir de toi parce qu’il y a de plus en plus de gens qui naissent et qui vivent de plus en plus longtemps, alors chacun devient de plus en plus acharné pour surnager et une fois qu’il t’a utilisé il se débarrasse de toi, il t’élimine. On construit des rêves débiles qu’on balance sur des écrans comme des cacahouètes au zoo pour engraisser des égos déjà démesurés, et la fibre optique alerte l’ensemble du monde à chaque pulsion du plus petit ego afin que le plus minable des humains devienne son propre Dieu.

Et ça va de plus en plus vite.

Ca n’arrête pas.

On n’a pas le temps de réfléchir, de réparer. On consomme et on jette. On fonce vers l’avenir mais il n’y a plus d’avenir. La planète craque aux coutures. L’air n’est plus respirable, l’eau n’est plus potable, mais on invente toujours de nouveaux désirs, on fourre son poing jusqu’au coude dans le cul de la planète et on se lèche les doigts avant de les poser sur un clavier pour y noter nos états d’âme et les envoyer dans l’univers pour en faire profiter les autres égaux qui n’en ont rien à foutre.

 

      Après on se retrouve au pieu et on baise. Comme à chaque fois elle s’excuse et elle dit qu’elle va changer. Moi je ne dis rien. Je pense au jour où je me suis promis qu’un jour j’arracherai l’ancre qui tient mon navire loin des mers.

14 TRUCS & ASTUCES POUR DEVENIR UN HÉROS DE ROMAN DE DOSTOÏEVSKI

(les moyens du bord)

 

 

 

 

 

            1. Cherchez la bagarre à des militaires ivres. Soignez vos blessures avec un chiffon imbibé de vinaigre.

           

            2. Allez vous soûler dans une taverne en faisant comme si vos vêtements n’étaient pas couverts de sang.

           

          3. Soyez criblé de dettes de jeu, mais n’hésitez pas à dépenser vos derniers centimes pour acheter du Brandy à des musiciens itinérants.

           

            4. A chaque instant imaginez que Ponce Pilate vous juge dans vos moindres faits et gestes.

           

            5. Si vous êtes un homme, tombez amoureux d’une prostituée mais ayez peur d’elle, ne l’approchez pas et ne lui adressez jamais la parole.

           

            5 bis. Si vous êtes une femme, soyez amoureuse d’un jeune homme loyal et sérieux mais épousez un vieux goujat méprisant.

            6. Hurlez dans la cage d’escalier la nuit et ayez l’air agité quand vous croisez vos voisins le lendemain.

           

          7. Vivez dans une pauvreté abjecte et faites tout ce qui est en votre pouvoir pour ne pas en sortir, en incriminant Dieu ou le Destin.

 

           8. Ayez besoin d’un travail pour subsister mais refusez toutes les propositions qui vous sont faites parce que vous avez trop honte de vos bottes.

 

          9. Acceptez une invitation à un dîner tout en sachant que vous ne vous y rendrez pas parce que vous avez trop honte de vos bottes.

 

            10. Misez votre avenir dans un voyage et ratez le train.

 

            11. Détestez les bureaucrates, les militaires, les commerçants et les juifs mais soyez prêt à risquer votre vie pour un cheval.

 

            12. Soyez inquiet au point de perdre le sommeil ou de développer une fièvre cérébrale.

 

            13. Mourez de maladie, solitaire et miséreux, de préférence au fond d’une ruelle, la nuit sous la neige.

LE SOURIRE DE MONA LISA (les moyens du bord)

 

 

 

 

 

            Le type en face de moi lit un journal d’information et pour que tout le wagon en profite, il le lit à haute voix. Il lit et il commente les articles et il en fait profiter tout le monde autour et il ne voit pas qu’on n’en a rien à foutre de ce qu’il raconte.

 

- La Joconde est estimée à deux milliards d’euros.

 

Il guette nos réactions.

Une vieille feint l’indignation, alors il répète plus fort.

 

- La Joconde est estimée à deux milliards d’euros!

 

Tout le monde trouve ça excessif, à l’unanimité, mais personne ne pipe mot. Les regards fuient et puis chacun retourne à ses pensées secrètes.

            Je regarde le paysage qui défile par la fenêtre. Personnellement, je ne dépenserais pas deux milliards pour la Joconde. Elle a des cernes énormes et des seins fanés. Ses doigts sont boudinés et ses cheveux tout pisseux. Si j’avais dû la peindre j’aurais au moins pris la peine de la coiffer correctement. Je lui aurais probablement fait une frange (je fais ça très bien) et des cheveux roux.

Et puis ses sourcils sont trop mal épilés; ça lui confère un air coincé qui file le cafard.

A mon avis c’est un effet d’annonce.

Elle ne vaut pas ce prix-là.

Elle en est loin.

Je pense que le crétin de journaliste qui a écrit ça l’a fait par pure provocation.

Je pense que son journal part à vau-l’eau, qu’il ne sait probablement pas tenir son affaire alors il passe son impéritie sur les lecteurs.

 

- La Tour Eiffel quant à elle a été estimée à 434 milliards d’euros.

 

Pourquoi donc personne ne lui ferme son clapet?

J’en ai pas encore fini avec la Joconde. Mona, de son prénom.

Mona, on voit bien dans son expression qu’elle n’a pas inventé l’eau tiède, et c’est précisément ça qui fait l’intérêt du tableau. Leonardo (le peintre) a su, grâce à une technique que l’on appelle en italien lo sfumato, représenter la crétinerie immatérielle de Mona et la rendre presque tangible. Lo sfumato, c’est un peu la vapeur qui sort de la cafetière, ce qui est probablement la matière qui se rapproche le plus de la consistance de l’intellect de la Joconde.

Si son sourire est niais c’est parce qu’elle est bête.

Il n’y a aucun mystère là-dessous.

Elle est bête et elle est moche.

C’était  probablement un mauvais coup en plus, alors à mon avis, à ce prix-là, il n’est pas près d’être vendu ce tableau.

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